Émettrices de 50 % des émissions de gaz à effet de serre, les infrastructures représentent un levier stratégique pour atteindre la neutralité carbone en 2050. L’occasion pour les fonds d’investissement de combler l’écart entre les besoins et les financements de la transition écologique. Décryptage de M. Jean-Baptiste Djebbari, Managing Partner au sein du Groupe Magellim et ancien Ministre des Transports.
La France entend réduire ses émissions de carbone de 55 %[1] d’ici à 2030 afin d’atteindre la neutralité carbone à horizon 2050. Un objectif ambitieux qui l’oblige à diviser par six ses émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport à 1990[2]. Le pays identifie la décarbonation des infrastructures comme l’un des principaux leviers de la refonte et du verdissement de son modèle socio-économique en réponse aux défis climatiques. En effet, les usages associés aux infrastructures représentent 50 % de l’empreinte carbone française et sont ainsi étroitement liés à la dérive climatique[3].
Le plan du ministère de l’Économie et des Finances « Investir en France dans les infrastructures de décarbonation » de 2023 dévoile un programme de construction d’infrastructures décarbonées.[4] L’État y projette de déployer les filières des énergies renouvelables qui couvrent par exemple le photovoltaïque, l’éolien terrestre et maritime, ainsi que l’hydroélectricité pour atteindre une puissance installée entre 140 et 175 gigawatts en 2035[5]. Le programme envisage également le déploiement massif des infrastructures de réseaux via notamment le renforcement du réseau électrique ou les raccordements éoliens en mer.
Enfin, le plan couvre les infrastructures de stockage énergétique, et de décarbonation des usages[6]. En effet, « si l’on prend la conversion d’une flotte de bus thermiques dans une ville moyenne vers une flotte de bus électriques ou à hydrogène, par exemple, celle-ci nécessitera des infrastructures de recharge, de stockage, et de distribution », précise M. Jean-Baptiste Djebbari. C’est sans compter sur le déploiement d’infrastructures alternatives de production d’énergie bas carbone, tels que le biogaz et la chaleur décarbonée[7]. Un programme complet et ambitieux à déployer dans des délais restreints en mobilisant des fonds conséquents.
Le développement de ces filières énergétiques s’inscrit dans la volonté de la loi énergie-climat de 2019 d’atteindre un objectif de 33 % d’énergie produite localement à partir de sources renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie en 2030[8]. Aussi, la décarbonation des services essentiels des usagers permet-elle de renforcer l’indépendance énergétique française tout autant que de sécuriser son approvisionnement.
Des investissements privés pour combler l’écart de 35 milliards d’euros entre les besoins et les financements publics
A l’échelle européenne, la Commission européenne estime que la transition énergétique nécessitera des investissements annuels de 370 milliards d’euros pour la décennie 2020[9]. La Direction générale du Trésor français évalue, quant à elle, les besoins d’investissements supplémentaires dans les postes bas-carbone à 110 milliards d’euros d’ici à 2030, équivalent à entre 2 et 5 points de PIB annuels[10]. Toutefois, l’État et les collectivités territoriales ne sont en mesure de dépenser respectivement que 30 et 5 milliards d’euros, soit 35 milliards annuellement[11]. Un écart d’environ 75 milliards d’euros séparent les financements publics du total nécessaire pour soutenir la décarbonation des infrastructures et ce, dans des délais courts.
La mobilisation de capitaux par le secteur privé est donc essentielle pour compléter l’action publique. « Historiquement, les fonds d’investissement spécialisés dans les infrastructures ont commencé sur les très gros objets, comme les concessions autoroutières ou aéroportuaires. Ils s’intéressaient davantage aux déplacements des usagers ou aux réseaux de transport et de distribution plutôt qu’à la décarbonation de l’activité humaine en tant que telle. Ces fonds historiques sur une génération d’existence ont depuis gagné en taille et les plus anciens de la place gèrent actuellement plusieurs dizaines de milliards d’euros.
Il y a eu deux mouvements récents, accélérés par la crise du COVID. Le premier consiste à électrifier tous nos usages – les transports, l’habitat, la production d’énergie -, conduisant ainsi les investissements à se tourner vers la décarbonation.En parallèle, le second mouvement concerne la décentralisation des projets avec l’émergence de nombreux projets locaux dans les territoires, pour lesquels les besoins de financement et d’accompagnement de croissance sont aussi importants. Ce sont ces projets, directement au cœur des territoires, que le Groupe Magellim accompagne dans leur développement et leur passage à l’échelle », explique M. Djebbari.
Le Groupe Magellim dédie l’un de ses fonds aux infrastructures décarbonées
Ambitionnant de contribuer à la décarbonation de l’économie, le Groupe Magellim a donc souhaité dédier un fonds à cette classe d’actifs stratégique que sont les infrastructures décarbonées. Le Groupe privilégiera dans un premier temps trois segments clés avec pour philosophie globale, de participer à la transformation et la construction d’écosystèmes durables, résilients et vertueux. Les transports étant responsables de plus de 31 % des gaz à effet de serre (GES) en France en 2019[12], le Groupe Magellim entend donc concilier les besoins de déplacement des personnes et des marchandises avec une diminution des GES.
Le fonds intègrera également dans ses activités les énergies renouvelables pour en favoriser la croissance, l’accessibilité et l’efficacité énergétique des bâtiments et industries dans une perspective de sobriété. Enfin, la préservation des ressources sera également traitée, comprenant ainsi les infrastructures liées au recyclage des objets et la valorisation des déchets, à l’économie dans les usages et la consommation de l’eau, aux technologies de capture et de stockage de CO2.
Convaincue que la production locale d’énergies renouvelables et bas carbone participe de la pérennité de la souveraineté énergétique française, le Groupe privilégie une approche ancrée dans les territoires « pour y créer de la valeur à long terme », précise M. Djebbari. En cohérence avec les normes européennes et nationales, le fonds adaptera ses activités à l’éventail des spécificités locales. D’un point de vue sociétal, le Groupe Magellim place au cœur de ses préoccupations la valorisation de l’entreprenariat local et la création d’emplois.
Il entend mesurer concrètement les impacts environnementaux, territoriaux et humains de ses investissements avec un modèle qui positionne au premier plan l’objectif de durabilité. C’est la raison pour laquelle le fonds dédié aux infrastructures s’inscrit dans le cadre de l’investissement dit à impact, et répondra aux exigences réglementaires de l’article 9 de la SFDR, en alignement avec la taxonomie européenne et sous la labellisation Greenfin.
Levier majeur de décarbonation de l’économie, les infrastructures constituent une classe d’actifs porteuse qui requiert des besoins de financement conséquents.
[1] https://ec.europa.eu/clima/sites/lts/lts_fr_fr.pdf
[2]https://www.ecologie.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc#:~:text=En%20France%2C%20atteindre%20la%20neutralit%C3%A9,2015%20et%20445%20en%202018
[3] https://www.carbone4.com/publication-infrastructures-france
[4] https://www.businessfrance.fr/decouvrir-la-france-actualite-la-france-table-sur-70-md-d-investissement-par-an-grace-a-son-plan-de-decarbonation
[5] https://www.economie.gouv.fr/files/files/2023/DP_Paris_deep_decarbonisation.pdf
[6] https://www.economie.gouv.fr/files/files/2023/DP_Paris_deep_decarbonisation.pdf
[7] https://www.economie.gouv.fr/files/files/2023/DP_Paris_deep_decarbonisation.pdf
[8] https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-energie-2022/17-energies-renouvelables
[9] https://chairgovreg.fondation-dauphine.fr/fr/%C3%A9v%C3%A9nements/1407
[10] https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2024/04/04/quels-besoins-d-investissements-pour-les-objectifs-francais-de-decarbonation-en-2030-1
[11] https://www.i4ce.org/theme_travail/financement-public/
[12] https://www.notre-environnement.gouv.fr/themes/climat/les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-et-l-empreinte-carbone-ressources/article/les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-du-secteur-des-transports